Offrir aux entreprises une expertise complète et multisectorielle sur l’efficacité énergétique et environnementale : c’est la mission de Tech3E, de l’Université d’Artois. La plateforme dédiée à l’environnement et à l’efficacité énergétique porte la valorisation des activités de trois laboratoires de recherche cofondateurs de Tech3E : le Laboratoire Systèmes électrotechniques et environnement (LSEE), le Laboratoire de génie civil et géo-environnement (LGCgE) et le Laboratoire de génie informatique et d’automatique de l’Artois (LGI2A). Chaque unité apporte une expertise spécifique.
« Par exemple, le LGI2A travaille sur les problématiques de la logistique, aussi bien pour le monde hospitalier que pour le transport routier. Ses compétences permettent d’optimiser les déplacements des personnes ou des objets, et de réduire les trajets », explique Juliette Marrant-Defebvin, chargée de développement de la plateforme Tech3E. La structure propose aux entreprises des prestations « recherche » pour limiter les coûts énergétiques et l’empreinte environnementale de l’industrie, des bâtiments ou des activités liées à la mobilité. Les prestations portent sur les tests de matériaux, le développement de solutions innovantes et des modélisations numériques pointues.
Les champs peuvent couvrir l’analyse d’un composant au sein d’un système électrique ou son bon dimensionnement, jusqu’à la mise au point d’un moteur électrique « vert », plus efficient et plus léger, pour accompagner l’essor de la mobilité électrique. Dans le secteur du génie civil, « des travaux sont en cours sur des matériaux à changement de phase, par exemple, permettant d’économiser l’énergie de chauffage », précise Juliette Marrant-Defebvin.
La création de cette plateforme, début 2022, vise à intensifier les relations de l’université avec les entreprises de la région et à l’échelle nationale. « C’est une porte d’entrée dans les laboratoires », souligne Juliette Marrant-Defebvin. Plusieurs entreprises, de la PME jusqu’au groupe international, sont déjà partenaires de Tech3E, à l’image de ThyssenKrupp Electrical Steel, dont une zone de manipulation lui est dédiée au sein du LSEE depuis l’extension des salles d’essais en octobre 2021. La plateforme collabore déjà avec deux start-up des Hauts-de-France. De plus, Tech3E est au cœur d’une dynamique territoriale forte, avec la montée en puissance d’une « vallée de l’électrique » au niveau de l’agglomération Béthune-Bruay, où s’implantent Renault ElectriCity et la gigafactory de batteries ACC (Automotive Cells Compagny). Tech3E pourra répondre aux nouveaux besoins de ces entreprises.
En termes d’infrastructures, la plateforme, actuellement installée à Béthune sur le site de la Faculté des sciences appliquées de l’Université d’Artois, est en plein développement. Grâce à des financements conjugués de l’État, via un CPER, de la Région Hauts-de-France et de l’Université d’Artois, Tech3E intégrera de nouveaux locaux d’ici à 2025. Ce bâtiment de près de 1700 m² permettra d’accueillir les entreprises avec de nouveaux équipements de pointe en lien avec les activités des trois laboratoires. « Nous pourrons construire des parois de plusieurs mètres pour tester, en conditions réelles, leurs performances et nous dédouaner des effets d’échelle. Pour la logistique, Tech3E disposera d’une salle cathédrale consacrée aux drones et aux robots. Concernant les moyens d’essais pour la mobilité électrique, un banc de charge permettra d’évaluer des moteurs électriques de 350 kW et jusque 20 000 tr/min pour des applications automobiles et aéronautiques », conclut Juliette Marrant-Defebvin.
La réduction de l’impact environnemental du secteur des transports est une des priorités nationales. Le Lamih (Laboratoire d’automatique, de mécanique et d’informatique industrielles et humaines), qui travaille dans le domaine du transport et des mobilités au sens large, s’intéresse à cette thématique. Les recherches du laboratoire sous la double tutelle du CNRS et de l’UPHF s’orientent depuis plusieurs années sur les problématiques liées au ferroviaire.
Il est considéré comme respectueux de l’environnement, car il a un faible impact sur l’émission de gaz à effet de serre et émet peu de polluants. Mais le freinage mécanique des véhicules émet des particules fines, ce qui augmente leur concentration dans l’air, en particulier dans les réseaux souterrains.
Le département Mécanique du laboratoire s’est ainsi penché sur ces problématiques d’émissions et leur caractérisation. À la fin des années 2010, le Lamih a commencé par lancer, avec Alstom, une thèse sur la compréhension de la génération de particules fines des trains, notamment des métros qui circulent en milieu confiné.
« Nous avons mobilisé des compétences en tribologie et en mécanique des fluides pour concevoir un modèle d’émissions de particules. Cette première thèse nous a permis de mieux appréhender les phénomènes complexes mis en jeu lors du freinage », explique Laurent Keirsbulck, directeur du département Mécanique.
Encouragé par les premiers résultats de cette étude, le Lamih rejoint ensuite le projet Breaq (Braking Emissions Characterisation & Mitigation for Air Quality Improvement), projet financé à hauteur de sept millions d’euros par l’Ademe.
L’objectif du projet, porté par Alstom, concerne toujours les particules fines. Son ambition est toutefois plus large, et se structure autour de trois axes de recherche : réduire la production de particules, capter les particules à la source et, enfin, modéliser leur diffusion, notamment pour mettre au point des systèmes d’extractions d’air efficaces dans les espaces souterrains. Afin de tester les différents travaux menés dans le cadre du projet, le Lamih a placé la soufflerie du campus du Mont Houy, de l’Université polytechnique Hauts-de-France, intégrée dans la plateforme régionale des Hauts-de-France « Contraero », au cœur de son projet. L’équipement a l’avantage d’être doté d’une « veine » d’essais particulièrement longue, adaptée aux expérimentations des véhicules ferroviaires.
Cet équipement est utilisé dans le cadre du projet Breaq pour mieux caractériser et modéliser les émissions de particules fines. Le Lamih a notamment installé un dispositif de freinage caréné, afin de tester différents paramètres de cette opération.
« Une des particularités est que nous pourrons le faire en dynamique, grâce à la soufflerie qui offre différentes vitesses de vent, comme dans des conditions réelles », poursuit Laurent Keirsbulck.
Ces travaux permettront d’éprouver les différentes hypothèses théoriques des chercheurs, et de développer un modèle numérique plus précis d’émissions.
Les partenaires du projet, qui doit durer jusqu’en 2025, étudient déjà plusieurs pistes pour restreindre les émissions. Tout d’abord, les capter dès leur émission. Une autre voie explorée concerne la modification des matériaux utilisés pour réaliser les plaquettes de frein. Dernière piste : modifier la séquence de freinage des trains.
« Les trains, comme les métros, pourraient commencer à freiner plus tôt, et plus longtemps. Cela permettrait de réduire le volume de particules produites dans les stations, qui sont des lieux clos. »
Plus largement, le laboratoire mise sur cette plateforme unique au nord de la France, dédiée au transport terrestre, pour participer à la réduction de l’empreinte environnementale du secteur. Grâce aux différents instruments de mesure que compte la soufflerie, la plateforme permet de mener de nombreuses recherches sur l’aérodynamisme des véhicules, phase clé de leur développement, pour abaisser leur consommation.
Mieux capter et analyser nos indicateurs physiologiques est déterminant pour le développement de dispositifs médicaux plus performants et, plus largement, pour l’essor de l’e-santé. C’est pourquoi l’innovation dans le domaine des biocapteurs est essentielle. Depuis 2008, le CIC-IT « Biocapteurs et e-Santé : innovation et usages », installé à Lille, accompagne les médecins et les entreprises dans la réalisation de solutions innovantes sur ce secteur.
Membre du réseau des Centres d’investigation clinique – innovation technologique (CIC-IT) créé à la fin des années 2000, le CIC-IT de Lille a développé un savoir-faire spécifique dans l’enregistrement et le traitement des signaux biologiques, cardiaques ou les EEG. Le centre peut aussi participer à toutes les phases de mise au point de ces dispositifs. « Nous allons de l’idée jusqu’au marché », résume Jessica Schiro, coordinatrice de projets au sein du CIC-IT.
Le Centre intervient tout d’abord lors des phases de conception des dispositifs. Il mobilise alors les compétences d’ergonomes réunis au sein du Living lab, baptisé Evalab. Leurs connaissances sont particulièrement importantes pour rendre l’utilisation des solutions la plus intuitive possible. « Par exemple, nous avons constaté de nombreuses erreurs dans la manipulation de stylo auto-injecteur, dues à des défauts d’ergonomie. L’utilisateur peut le tenir à l’envers et s’injecter le produit dans le pouce, ce qui peut entraîner une nécrose », explique Jessica Schiro.
Le lieu abrite aussi un incubateur dans lequel les start-up peuvent profiter de l’expertise et des équipements pour échanger sur ce type de problématiques. Le CIC-IT peut aussi agir sur la phase de prototypage, grâce à son fablab équipé d’un atelier de microélectronique, d’une imprimante 3D ainsi que d’un laboratoire de tests techniques. « Nous pouvons produire des cartes d’acquisitions de données qui permettent de recevoir les signaux de plusieurs capteurs en même temps », poursuit Jessica Schiro.
Le CIC-IT intervient également sur les projets d’évaluation de dispositifs médicaux, en lien avec les professionnels de santé, pour les accompagner jusqu’aux phases précliniques et cliniques, en accord avec la réglementation en vigueur (MDR 2017/745/UE). Enfin, le CIC-IT de Lille est membre de la Cellule d’expertise des technologies de santé (CETS) fondée en 2017 pour apporter un éclairage technique, scientifique et réglementaire à des porteurs de projets dans le domaine de la santé.
« Nous avons créé cette cellule pour regrouper les expertises cliniques et réglementaires, et accompagner ainsi les projets des fabricants. Nous nous positionnons comme un trait d’union entre les industriels et les médecins. »
Co-fondateur de start-up Le CIC-IT a contribué à la création de nombreuses start-up. C’est le cas, par exemple, de Mdoloris, avec le projet de technologie Analgesia Nociception Index (ANI) consistant à monitorer le niveau de douleur ressentie par le patient à partir de son rythme cardiaque. L’objectif est, notamment, de réguler ensuite l’anesthésie administrée aux patients. L’algorithme développé dans le cadre de ce projet a suscité d’autres applications, pour les nouveau-nés ou les femmes enceintes, entre autres.
Le CIC-IT accompagne le projet d’un médecin pour les patients stomisés. Ce système permet de remplacer les poches du patient par une pompe, à la manière d’une prothèse intestinale. « C’est une solution qui permet de prendre le relais de l’intestin, et ainsi de rétablir la physiologie naturelle de l’intestin en conservant sa motricité intestinale et en préservant le microbiote. » Là encore, l’accompagnement du CIC-IT a favorisé la création de la start-up ReverTech Stoma.
La crise des matières premières n’est pas un phénomène nouveau. Depuis des années, le marché est secoué par de nombreuses crises plus ou moins longues, touchant les approvisionnements en matériaux, métaux ou, encore, matières premières alimentaires. La crise actuelle autour des matériaux de construction, notamment du bois ou du plastique, vient ainsi ajouter de nouvelles tensions au sein d’un secteur déjà confronté à des problèmes d’approvisionnement en sable, par exemple. Les acteurs du secteur cherchent ainsi depuis plusieurs années des matériaux de construction alternatifs.
C’est le cas du Laboratoire Génie civil et géo-environnement (LGCgE) d’IMT Lille Douai, devenu depuis IMT Nord Europe. Ses équipes ont essayé de valoriser des déchets et des gravats pour créer de nouveaux matériaux de construction, comme des remblais. « Ces matériaux posaient des problèmes environnementaux », souligne Nor-Edine Abriak, chercheur au sein du LGCgE Europe et responsable de l’équipe Matériaux innovants.
Au tournant des années 2010, le LGCgE se tourne vers les sédiments. La Région Hauts-de-France est particulièrement concernée par la problématique des sédiments, puisque le territoire compte trois grands ports et près de 600 km de canaux. Elle doit ainsi régulièrement draguer ses ports et ses voies de navigation, ce qui génère d’importantes quantités de sédiments qu’il faut traiter. « Les sédiments sont une bombe à retardement, comparable à l’amiante, car ils sont remplis de métaux lourds qui polluent les fleuves et la faune », ajoute Nor-Edine Abriak.
Le Laboratoire Génie civil de l’IMT NE membre du LGCgE propose alors au CD2E, bras armé de la Région en matière de transition écologique, de mettre en œuvre un programme de recherche sur l’utilisation des sédiments. Le projet Sédimatériaux débouche sur un premier programme d’ampleur, en 2014 : la chaire Ecosed. Montée avec six industriels et financée à hauteur de 1,4 million d’euros, elle doit lever les six principaux verrous qui freinent l’usage des sédiments : mieux comprendre les gisements de sédiments, les caractériser, estimer l’impact environnemental de leur exploitation, développer des matériaux à base de sédiments, faire évoluer les réglementations et, enfin, améliorer les techniques de caractérisation. La chaire s’intéresse plus particulièrement à l’emploi de sédiments dans la production de ciment. Le succès est tel qu’une deuxième chaire est lancée, EcoSed digital 4.0. « Ils ont financé un total de 34 millions d’euros de projets », poursuit, enthousiaste, Nor-edine Abriak.
Le projet Sédimatériaux a d’abord permis de mettre au point une méthodologie de traitement et d’utilisation des sédiments, à l’instar d’un « mode d’emploi », ce qui a permis de lancer plusieurs projets pilotes dans la région. Un programme est, par exemple, mené avec une entreprise pour remplacer le sable par des sédiments dans le cadre de la production d’asphalte.
« Nous avons montré qu’il était possible de mettre 10 % de sédiments dans de l’asphalte, tout en respectant certains critères comme l’étanchéité », détaille le chercheur.
Des démonstrations similaires sont réalisées sur le béton, puis les matériaux de construction de routes.
L’objectif est de donner naissance à de véritables filières industrielles. C’est le cas du projet monté avec la Métropole de Lille. Elle s’est tournée vers Sedimatériaux pour identifier quels sédiments pouvaient être utilisés pour ses projets d’aménagement, et quelles activités industrielles pouvaient être développées à partir de ces études. Deux filières voient le jour : la première concerne la fabrication de coulis autocompactants pour le remblayage de tranchée ; la seconde, la conception de cylindres creux en béton préfabriqués pour la réalisation de chaussées-réservoirs.
Dans les deux cas, les sédiments remplacent le sable à hauteur, respectivement, de 15 et 20 % dans la formule de production.
Aujourd’hui, les acteurs de Sedimateriaux estiment avoir levé une grande partie des freins à l’utilisation de sédiments dans des matériaux de construction. Ils souhaiteraient ainsi intéresser d’autres acteurs pour mener de nouvelles expérimentations, dans les ports de Marseille ou de Sète, entre autres. Le marché est particulièrement vaste : la France compte 66 ports de commerce maritimes et ses 8500 km de voies d’eau navigables.